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Et maintenant, une idée essentielle, caractéristique de la météorologie et
plus généralement, de la physique du complexe.
Pour sa compréhension des phénomènes, l'esprit humain aspire à des
explications simples en termes d'effets créés par des causes
«extérieures» . En fait, ce n'est jamais vraiment possible en
météorologie. Pour en revenir aux dépressions,
on voudrait, pour une explication facile, que
le rail soit piloté de «l'extérieur» . On voudrait pouvoir dire que le rail
est comme-ci parce que l'océan est plus chaud (voir fig. 34);
ou comme ça parce que le pôle
est plus froid; ou encore, pour être à la mode, parce qu'on est x temps
après (ou avant) un épisode El Niño ou autre vaste anomalie lente.
Sans doute des paramètres extérieurs
interviennent-ils pour une part dans l'explication de l'intensité du rail,
voire sa position,
mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel est que, si le rail oriente et
détermine la force de chaque dépression, celles-ci, en retour, déforment,
déplacent, cassent ou allongent le rail. Elles restituent alors une partie
de l'énergie qu'elles avaient puisée lors de leur développement.
Le rail tient les dépressions et
les dépressions tiennent le rail. En jargon, on parle d'interaction
non-linéaire entre ces structures.
Cette propriété s'appelle la variabilité d'un système dynamique.
Quelle image plus proche de la vie quotidienne trouver pour faire
comprendre la chose ? Et bien, regardez les gens autour de vous dans la
rue ou ailleurs: la diversité des tailles, des teints, des formes de
visages, des proportions des membres, la diversité des «anomalies» aussi,
car elles font partie des choses possibles, des mains de six doigts par
exemple. Or, depuis une quinzaine de milliers d'années, l'environnement de
l'espèce humaine n'a guère évolué: ces variations qui nous semblent
infinies de notre physique ne dependent guère du milieu, d'effets
extérieurs. Elles
expriment la variabilité contenue dans quelques uns de nos gènes, et cela
comprend aussi de rares mais réelles bizarreries.
Cette explication n'est pas «facile» pour notre esprit:
on ne peut désigner d'un doigt
accusateur un paramètre coupable. Elle est la seule vraie, la seule
honnête.
Il reste, bien sûr, des
secrets à percer sur cette interaction, mais l'essentiel est dit.
Les différences d'évolution ne dépendent pas de façon obligatoire
d'un paramètre extérieur, elles dépendent d'abord
de processus internes entre les composantes du rail, qui peuvent donner
une vaste gamme de configurations et d'événements
possibles (fig. 5).
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