III. Les stratégies d’adaptation

Quel serait l’effet d’un développement massif de la climatisation ?

En cas de développement massif de la climatisation, ce sont environ 1,1 TWh de consommation électrique finale qui devraient être attendus, si une température de consigne de 23°C devait être maintenue dans tous les bâtiments résidentiels et de bureau.

La chaleur rejetée par les climatiseurs aurait en outre un impact non-négligeable sur la température dans les rues, et y augmenterait la durée passée en situation de « fort stress thermique » d’environ 20 minutes par jour.

Ces résultats ont été calculés en supposant que les parcs parisiens actuels sont arrosés durant les canicules, refroidissant ainsi légèrement l’atmosphère de la ville.

En cas d’impossibilité de cet arrosage, les espaces verts s’assècheraient rapidement sous l’effet de la canicule et ne joueraient plus leur rôle de régulateur thermique (se comportant comme des surfaces artificialisées) ;

  • la consommation d’énergie serait alors accrue d’environ 8%,
  • et près d’une heure de fort stress thermique dans les rues ajoutée aux chiffres précédents.

Les espaces verts existants, s’ils sont arrosés, semblent donc jouer un rôle de régulateur thermique non négligeable et contribuer à réduire notre vulnérabilité aux canicules de manière importante.

Des mesures d’adaptation alternatives peuvent-elles réduire cette consommation massive de climatisation ?

Un certain nombre de mesures d’adaptation peuvent être mises en place pour réduire cette consommation d’énergie. Nous avons ici analysé le potentiel de 3 mesures :

  1. une importante création d’espaces verts dans l’agglomération : 10 % de la surface totale de l’agglomération, répartis de manière homogène à travers celle-ci, sont dévolus à de nouveaux parcs ;
  2. des réglementations strictes d’isolation des bâtiments et la mise en oeuvre de matériaux réfléchissants sur les murs et les toits ;
  3. des recommandations ou règles strictes conduisant à utiliser la climatisation avec des températures de consigne de 28°C dans les logements et 26°C dans les bureaux, au lieu de 23°C.

D’après les simulations, la combinaison de des 3 mesures pourrait permettre de réduire la consommation d’énergie de 0,7 TWh, la faisant chuter de plus de moitié. Cela permettrait aussi de réduire d’une heure la durée quotidienne passée en conditions de fort stress thermique dans les rues.


Carte de l’impact sur les températures de la mise en place conjointe des trois politiques

Note : Cette carte donne la différence entre les température dans les rues, en 2100, à 5h du matin, pour une canicule similaire à la canicule de 2003, dans une simulation où les trois politiques ont été mises en place, et dans une simulation dans lesquelles elles ne le sont pas (mais identique pour tous les autres aspects).

Ces mesures ne pourraient toutefois a priori pas se substituer totalement à la climatisation, un peu plus de 6h par jour devant toujours être passées en situation de fort stress thermique dans les logements pour un scénario sans climatisation.

Influences relatives des 3 politiques

Les trois politiques que nous avons simulées ne présentent pas du tout les mêmes caractéristiques, ni la même efficacité.

  • La création de nouveaux espaces verts, tout d’abord, semble n’avoir que peu d’influence sur la vulnérabilité de l’agglomération, bien que nous ayons simulé une politique extrême. Cette faible influence n’est, de plus, valable que si leur est fourni une quantité importante d’eau. En cas d’impossibilité de fournir de l’eau et d’arroser les plantes, cette politique ne semble plus avoir qu’un effet presque nul sur la température de la ville.
    Ainsi, tandis que les espaces verts déjà existants jouent un rôle positif, l’ajout de nouveaux parcs ne semble pas jouer un rôle majeur : tout se passe comme si une saturation de l’effet de la végétation avait déjà été atteinte, sans doute dû à l’existence de nombreux espaces verts dans l’agglomération parisienne à l’heure actuelle.
  • La mise œuvre de mesures sur le bâti (matériaux réfléchissants et meilleure isolation des bâtiments) a un impact en moyenne bien supérieur à celui du développement de nouveaux espaces verts.
    L’efficacité de cette politique d’adaptation face à un épisode caniculaire dépend cependant beaucoup des caractéristiques de la canicule, notamment de sa durée. En effet, les températures à l’intérieur des bâtiments augmentent progressivement au cours d’une canicule jusqu’à atteindre une valeur maximale d’équilibre proche de la température extérieure, voire supérieure la nuit (cette durée semble être de l’ordre de 5 jours dans l’agglomération parisienne). L’isolation des bâtiments permet d’augmenter cette durée, préservant ainsi le confort intérieur et limitant la vulnérabilité aux canicules les plus courtes et les plus fréquentes. En revanche, l’isolation des bâtiments perd en efficacité lorsque les canicules s’allongent.
  • Parmi les trois politiques que nous avons examinées, la mesure consistant à modifier les habitudes d’usage de la climatisation en faisant en sorte qu’elle soit réglée sur une température de consigne plus haute est celle qui, individuellement, a le plus d’effets. Elle ne présente, de plus, aucun des effets secondaires et coûts des deux autres politiques. En revanche, la question de la mise en pratique de cette politique reste entière.

La Figure ci-dessous compare ainsi l’influence de chaque politique sur les conséquences des canicules :

comparaison de l’efficacité des 3 politiques d’adaptation testées