Interactions aérosols-climat

 Motivations

Les aérosols, caractérisés par une variabilité spatio-temporelle importante, modifient le bilan radiatif et le climat. Des études à l’échelle régionale peuvent permettre de mieux estimer leurs effets.


 En Méditerranée

Le bassin méditerranéen est soumis à de fortes charges en aérosols, provenant de plusieurs sources anthropiques et naturelles (poussières désertiques du Sahara, sels marins, pollution industrielle et combustion de biomasse en Europe, feux de forêt, ...). Des simulations ont été menées à l’aide d’un système climatique de modélisation régionale (CNRM-RCSM) incluant une représentation réaliste des aérosols aux échelles climatiques. Ces différents aérosols sont inclus soit au moyen de climatologies issues de mesures satellites et de modèles de chimie, soit au moyen du schéma interactif TACTIC.
Des ensembles de simulations réalisées sur la période 2003-2009 avec et sans aérosols montrent un impact majeur sur le climat régional. Cet impact se caractérise par un forçage radiatif négatif en surface (dû à la diffusion et l’absorption du rayonnement solaire incident) de -15 W.m-2 en moyenne annuelle sur la mer Méditerranée, par un refroidissement induit en surface à la fois sur mer et sur terre de l’ordre de 0.5°C en moyenne annuelle, par une diminution moyenne des précipitations ainsi que par des changements de nébulosité. Le cycle saisonnier et les structures spatiales du climat méditerranéen sont ainsi significativement modifiés, ainsi que certaines situations spécifiques comme la canicule de juillet 2006 qui a été renforcée par la présence d’aérosols désertiques. Le rôle essentiel de la température de surface de la mer Méditerranée dans la réponse du climat aux aérosols est mis en évidence, et permet de comprendre les modifications induites des flux air-mer (notamment la diminution de la perte en chaleur latente) et ses conséquences sur le climat régional. La convection océanique en mer Méditerranée est également renforcée par la présence d’aérosols. En outre, on a démontré que la diminution des aérosols anthropiques observée depuis plus de trente ans a contribué significativement aux tendances climatiques de rayonnement (représentant 81 ± 15 % de l’éclaircissement) et de température (représentant 23 ± 5 % du réchauffement) observées en Europe et en Méditerranée.

Figure 1 : Tendance du rayonnement simulé par CNRM-RCSM sur la période 1980-2009, sans prise en compte de l’évolution des aérosols (à gauche) et avec prise en compte de l’évolution des aérosols (à droite). Les points colorés indiquent la tendance observée dans des stations des réseaux GEBA et AEMET. Les isolignes noires indiquent la tendance de l’épaisseur optique des aérosols.


 En Afrique Australe

La représentation des interactions aérosol-nuage-rayonnement reste l’une des grandes incertitudes pour l’étude du climat à l’échelle régionale et globale. Dans l’Atlantique Sud-Est, pendant la période de Mai à Octobre, les feux de biomasse intenses localisés en Afrique Centrale génèrent de fortes concentrations en particules atmosphériques. Ces panaches sont ensuite transportés sur la région de l’Atlantique Sud-Est caractérisée par la présence de nuages bas stratiformes. Localisés au-dessus de ces nuages, ces aérosols peuvent entraîner un forçage radiatif positif au sommet de l’atmosphère (réchauffement), de signe contraire à celui généralement exercé par les aérosols (refroidissement), et qui reste très difficile à représenter dans les modèles de climat.
Cette question scientifique a été abordée à l’aide du modèle ALADIN-Climat en prenant en compte de manière rigoureuse les propriétés optiques des particules de feux de biomasse. Des simulations ont été réalisées pour les étés 2016 et 2017, qui correspondaient aux campagnes de mesures AEROCLO-sA (FR), ORACLES (US) et CLARIFY (UK) pour lesquelles des avions de recherche étaient déployés.
Ces simulations ont indiqué un transport des aérosols principalement entre 2 et 4 km d’altitude au-dessus de l’Atlantique, en accord avec les observations aéroportées. Même si le modèle ALADIN-Climat sous-estime la fréquence des stratocumulus sur cette région, il permet de simuler un forçage radiatif positif au sommet de l’atmosphère, compris en +20 et +40 W.m-2 à l’échelle régionale avec de forts contrastes entre le continent et la région océanique (Figure). La prochaine étape de ce travail va consister à aborder l’impact des aérosols sur les propriétés (contenu en eau et albédo) des nuages bas.


 Publications

Watson, L., Michou, M., Nabat, P. and Saint-Martin, D. (2018), Assessment of climate sensitivity to the representation of aerosols in the CNRM coupled ocean-atmosphere model, Climate Dynamics, 51, 2877-2895, DOI:10.1007/s00382-017-4054-6.

Mallet, M., Dulac, F., Formenti, P., Nabat, P., Sciare, J., Roberts, G., Pelon, J., Ancellet, G., Tanré, D., Parol, F., Denjean, C., Brogniez, G., di Sarra, A., Alados-Arboledas, L., Arndt, J., Auriol, F., Blarel, L., Bourrianne, T., Chazette, P., Chevaillier, S., Claeys, M., D’Anna, B., Derimian, Y., Desboeufs, K., Di Iorio, T., Doussin, J.-F., Durand, P., Féron, A., Freney, E., Gaimoz, C., Goloub, P., Gómez-Amo, J. L., Granados-Muñoz, M. J., Grand, N., Hamonou, E., Jankowiak, I., Jeannot, M., Léon, J.-F., Maillé, M., Mailler, S., Meloni, D., Menut, L., Momboisse, G., Nicolas, J., Podvin, T., Pont, V., Rea, G., Renard, J.-B., Roblou, L., Schepanski, K., Schwarzenboeck, A., Sellegri, K., Sicard, M., Solmon, F., Somot, S., Torres, B, Totems, J., Triquet, S., Verdier, N., Verwaerde, C., Waquet, F., Wenger, J., and Zapf, P. : (2016), Overview of the Chemistry-Aerosol Mediterranean Experiment/Aerosol Direct Radiative Forcing on the Mediterranean Climate (ChArMEx/ADRIMED) summer 2013 campaign, Atm. Chem. Phys., 16, 455-504, DOI:10.5194/acp-16-455-2016.

Nabat, P., Somot, S., Mallet, M., Sevault, F., Chiacchio, M. and Wild, M. (2015), Direct and semi-direct aerosol radiative effect on the Mediterranean climate variability using a coupled Regional Climate System Model Climate dynamics, 44, 1127-1155, DOI:10.1007/s00382-014-2205-6

Nabat, P., Somot, S., Mallet, M., Sanchez-Lorenzo, A. and Wild, M. (2014), Contribution of anthropogenic sulfate aerosols to the changing Euro-Mediterranean climate since 1980, Geophys. Res. Lett., 41, 5605-5611, DOI:10.1002/2014GL060798.

Nabat, P., Somot S., Mallet M., Chiapello I., Morcrette J.-J., Solmon F., Szopa S., Dulac F., Collins W., Ghan S., Horowitz L.W., Lamarque J.F., Lee Y. H., Naik V., Nagashima T., Shindell, D., and Skeie R. (2013), A 4-D climatology (1979–2009) of the monthly tropospheric aerosol optical depth distribution over the Mediterranean region from a comparative evaluation and blending of remote sensing and model products Atm. Meas. Tech., 6, 1287-1314, DOI:10.5194/amt-6-1287-2013