Paramétrisation de la turbulence

La paramétrisation des échanges turbulents dans la couche limite atmosphérique (et ce pour divers types de couche limite : convective, neutre,...) et des nuages bas (Stratocumulus, cumulus) est, de part la nature cruciale de ces phénomènes, de première importance pour nos modèles atmosphériques.

La méthodologie choisie pour construire des paramétrisations performantes est la suivante :

  1. analyse des observations (cf ci-dessous), et conception de cas de simulation à partir de ces données expérimentales
  2. réalisation de simulations numériques de type LES (Large Eddy Simulations) des tourbillons turbulents à très forte résolution (typiquement 50m pour des conditions diurnes). Ceci permet de représenter finement une large gamme de mouvements turbulents, en particulier les tourbillons les plus grands et les plus complexes.
  3. d’analyser les résultats des LES (description des tourbillons, des champs turbulents et des interactions entre eux), pour bâtir des paramétrisations de la turbulence et des structures cohérentes dans ou initiées depuis la couche limite atmosphérique.

Une fois ces étapes franchies, on peut utiliser ces modèles pour répondre à de nouvelles questions scientifiques, liées à la météorologie (prévision, étude de processus), ou au climat.

 Paramétrisation de thermiques secs et convection peu profonde

Pergaud et al (2009) (PMMC09) ont conçu une paramétrisation continue entre les thermiques secs et (le cas échéant) les cumulus au dessus. Elle est basée sur une approche en flux de masse (ce qui est classique pour les cumulus), étendue aux thermiques de couche limite. Les thermiques paramétrés sont initiés par la surface (en fonction des flux de chaleur et de vapeur depuis la terre ou la mer), puis s’élèvent dans la couche limite. Il atteignent alors le sommet de la couche limite et sont freinés par la stabilité ambiante ; mais, si les conditions thermodynamiques sont favorables, ils peuvent condenser et former des cumulus (sous-maille), qui gagnent de l’énergie par libération de chaleur latente, et continuer à s’élever.

Cette paramétrisation est utilisée conjointement avec un schéma de turbulence local (Cuxart et al 2000). Ce dernier simule les échanges par les tourbillons plus petits, alors que PMMC09 simule les grosses structures organisées (les thermiques). Les points les plus innovants par rapport aux autres approches de type EDMF sont :

  • Le mélange entre le cœur du thermique et son environnement (les termes d’entrainement/détrainement), prennent en compte ses caractéristiques physiques ainsi que celles de son environnement : la flottabilité du thermique et la vitesse verticale de l ’air dans celui-ci.
  • Le cumulus est uniquement défini à partir du thermique sous-jacent, utilisant les 2 mêmes équations (pour le flux de masse et la vitesse verticale), sans hypothèse spécifique liée au niveau de condensation (comme dans les schémas de convection peu profonde classiques ou les autres approches EDMF).
  • Le vent horizontal est aussi transporté et mélangé par le thermique.
  • La paramétrisation n’est pas sensible à la discrétisation verticale, permettant son utilisation à la fois dans les modèles atmosphériques de recherche, les modèles de prévision du temps ou les modèles de climat.

Cette paramétrisation a été validée avec différentes LES pour des couches limites très variées. Certaines paramétrisations peuvent être très satisfaisantes dans certaines conditions mais mauvaises dans d’autres (ce qui rend son implémentation dans des modèles atmosphériques délicate). Nous préférons une paramétrisations qui se comporte bien en toutes situations :

  1. Couche limite sèche : les cas testés sont le cas Wangara (désert australien, larke et al 1971) et IHOP (Grandes Plaines américaines, Weckwerth et al 2004, Couvreux et al 2005). La caractéristique clé de la paramétrisation dans ce type de couches limites convectives est qu’elle permet au modèle atmosphérique de construire une couche dite "à contre-gradient" dans la moitié haute de la couche limite, ce qui conduit à des thermiques plus réalistes mais aussi à des champs de vent meilleurs à 2km de résolution.
  2. Cumulus peu profonds : les cas testés sont BOMES (Holland and Rasmusson 1973), ARM (Brown et al 2002, Lenderink et al 2004) et RICO (un cas récent d’observation dans les Caraïbes). La paramétrisation est à chaque fois capable de simuler le cycle de vie complet du cumulus.
  3. Cas de Strato-cumulus : FIRE (Duynkerke et al 2004). Dans une telle couche limite, les thermiques sont faibles (et ne sont alors pas le processus principal dans la couche limite). Grâce aux forçages directement par les flux de surface (faibles) et l’entrainement/détrainement adaptatifs en fonction des conditions thermodynamiques, la paramétrisation est capable de construire un thermique faible, qui ne détruit pas le stratocumulus (ce qui est généralement le cas avec les paramétrisation en flux de masse dans la couche limite). PMMC09 se limite ainsi elle-même naturellement (et continûment), quand les conditions ne sont pas favorables à des thermiques puissants.

 La zone grise de la turbulence

La turbulence est bien représentée dans les modèles atmosphériques pour des mailles très fines (10m à 100m), pour lesquelles les mouvements turbulents sont principalement résolus (LES), et pour des grandes mailles (plus de 2km), pour lesquelles elle est totalement sous-maille et paramétrée. Mais que se passe-t-il aux échelles intermédiaires, la zone appelée "zone grise de la turbulence" ?

Utiliser un modèle atmosphérique dans la zone grise de la turbulence peut conduire à un mélange turbulent irréaliste. Par exemple, les simulations à 500m de résolution avec un schéma de turbulence récent reconnu dans la littérature (Cuxart et al 2000), conduit à trop de mouvements résolus dans la zone grise (500m de maille) : le schéma de turbulence schéma de turbulence ne prend pas en compte assez bien l’effet des thermiques partiellement sous-maille à cette échelle. Le contraire se produit lorsque l’on ajoute le schéma de thermique : il n’y a plus assez de mouvements de le modèle.

Nous travaillons actuellement à améliorer le comportement des modèles atmosphériques dans la zone grise.


Equipe(s) en charge de ce thème  : TURBAU