Précédent Suivant Index
Questions sur les mécanismes des tempêtes METEO-FRANCE

25   Comment prévoit-on les tempêtes et le temps qu'il fera ?



  Figure 35 :Schéma de principe de la chaîne de prévision numérique couvrant l'échelle planétaire mise en oeuvre à Météo-France.  

  La prévision des tempêtes, plus généralement celle du temps se déroule en deux grandes parties:
  • une partie automatique, basée sur une chaîne de prévision numérique, dont le principe est résumé par la fig. 35;
  • une partie d'interprétation des résultats bruts de la chaîne automatique, de comparaison avec d'autres observations et d'autres prévisions. Cette seconde partie, mise en oeuvre par les prévisionnistes, se traduit par les bulletins et les cartes de prévisions diffusés à l'ensemble des utilisateurs et, si nécessaire, par des bulletins d'alerte.
Ce cycle est répété au moins deux fois par jour.

Voyons les ingrédients de la chaîne de prévision numérique. Celle-ci repose avant tout sur un
modèle numérique de l'atmosphère. Un modèle est d'abord un ensemble d'hypothèses sur la nature et l'évolution de l'atmosphère considérée comme une fine couche fluide entourant la Terre. Ces hypothèses permettent d'appliquer de manière commode à l'atmosphère les lois de la thermodynamique et de la mécanique des fluides:
  • l'évolution du vent dépend de forces comme celles dues aux différences de pression, à la gravité, aux effets d'inertie liés à la rotation de la Terre. On tient aussi compte de différents effets du relief, du frottement au sol différencié selon sa nature, plus généralement de la turbulence;
  • l'évolution de la température, déduite du premier principe de la thermodynamique, dépend, outre les effets de détente et de compression, des échanges de chaleur turbulents, du bilan des apports et des émissions de rayonnement, du réchauffement associé à la condensation de l'eau en pluie ou en neige ou du refroidissement qui accompagne l'évaporation de neige ou de pluie en cours de chute, etc. Deux grandes familles de nuages sont traitées: les nuages stratiformes de grande étendue et les nuages convectifs, dispersés ici et là;
  • l'évolution de la vapeur d'eau transportée par le vent mais qui peut aussi se condenser et tomber. L'eau de l'atmosphère provient aussi de l'évaporation du l'eau du sol ou de la mer;
  • la conservation de la masse de l'atmosphère, dont on déduit diverses propriétés comme l'évolution de la pression à la surface du sol.
Il faut retenir que le temps qu'il fait et qu'il fera est représenté dans le modèle de manière rigoureusement objective au moyen de grandeurs élémentaires mesurées comme le vent, la température, la vapeur d'eau, la pression au sol, parfois d'autres. En aucun cas on n'utilise de concepts subjectifs comme les fronts, les dépressions, les anticyclones, le courant-jet pour faire cette prévision automatique: ces concepts, utiles à l'interprétation et à la communication de l'information, ne se laissent pas définir et représenter avec la rigueur nécessaire à un calcul objectif.

Les hypothèses détaillées plus haut sont ensuite transformées, grâce aux mathématiques, à «l'analyse numérique» , en un programme d'ordinateur. Le principal modèle de Météo-France découpe l'atmosphère sur la verticale en 31 couches, très rapprochées les unes des autres à proximité du sol. Pour la dimension horizontale, une importante originalité du modèle ARPEGE de Météo-France est qu'il décrit l'atmosphère sur la totalité du globe, mais sa résolution varie dans l'espace, plus fine dans la zone jugée intéressante, plus grossière à ses antipodes; ainsi des phénomènes de taille
» 40 km sont pris en compte sur la France et l'Atlantique. Une très grande précision dans le calcul des variations de vent ou de température est obtenue en projetant vent, température, pression couvrant tout le globe sur un ensemble de fonctions mathématiques connues (cette méthode est bien plus précise que celle, par exemple, d'un découpage en petites boites). Enfin, le modèle avance vers le futur par pas de 15 minutes, jusqu'à trois ou quatre jours.

ARPEGE prend en compte de très nombreux aspects de l'atmosphère, avec le souci permanent du compromis entre réalisme et efficacité du calcul. Il tient compte de la nature des sols, de la végétation, de la température de la mer, etc. Mais l'information la plus importante pour faire fonctionner un tel modèle est la
condition initiale, c'est à dire tout simplement, le temps qu'il fait, partout, sur tout le globe, du sol jusqu'à 40--50 km d'altitude au moment où on souhaite lancer le modèle numérique de prévision.

L'Organisation météorologique mondiale (OMM) coordonne, à l'échelle mondiale, la collecte et la diffusion planétaire des observations météorologiques nécessaires aux prévisions. Elle n'a pas attendu INTERNET pour cela: l'OMM gère l'un des plus anciens réseaux mondiaux de communication. Ses bases ont été jetées dans les années trente. Les observations utilisées par ARPEGE sont, en gros:
  • les mesures des stations météorologiques de surface, surtout présentes sur les continents habités. Ces mesures sont effectuées avec une cadence régulière. On doit ajouter à cet ensemble les observations faites depuis des navires en route sur toutes les mers;
  • les profils verticaux de vent, température et humidité donnés par des ballons sondes, lâchés d'un peu partout sur Terre et parfois sur mer, eux aussi à heures fixes;
  • les mesures de vent et de température effectuées par les avions commerciaux en vol, mais aussi désormais à l'occasion de leur montée et de leur descente. Sur mer, on dispose aussi de bouées dérivantes ou fixes qui transmettent des données;
  • enfin, une partie des observations faites depuis les satellites complète cet ensemble, celles des satellites en orbite polaire, qui passent quatre fois par jour au-dessus de chaque point de la Terre.
On compte ainsi environ 15 000 observations par tranche de 6 h. Ces données sont reçues de manière continue à Toulouse. Comme indiqué sur la fig. 35, ces observations font l'objet d'une assimilation, une opération d'ajustement de l'état décrit dans le modèle à la réalité mesurée qui se répète depuis des années, toutes les 6 h. Bientôt, cette assimilation sera faite selon un processus beaucoup plus continu. Le temps qu'il fait est donc ainsi décrit sur toute la Terre, sur toute la hauteur de l'atmosphère, toutes les 6 h et cela environ 2 à 3 h après les mesures.

Depuis le milieu des années 80, les modèles de l'atmosphère ont atteint un réalisme suffisant pour décrire une large gamme de phénomènes atmosphériques. On s'est alors aperçu que la principale source des erreurs de prévision se trouvait dans la connaissance du temps qu'il fait (voir la question 
26). Aussi, tout en continuant d'améliorer le réalisme des modèles, un effort considérable a été entrepris pour mieux utiliser les données.

La bonne prévision de la première tempête, celle du 26 décembre 1999 (T1) par la chaîne automatique est, sans conteste, le fruit de tous ces travaux: en effet, comme expliqué en 
26, la prévision d'une tempête reste une gageure, de par la nature même de l'atmosphère. En présence d'un fort courant-jet, la qualité de la connaissance du temps qu'il fait est vraiment fondamentale. La figure 36 montre la tempête T1 prévue le 25 décembre pour le 26 à 6 h (comme montrée sur la fig. 11).
 




  Figure 36 :Prévision opérationnelle de pression réduite au niveau de la mer (en noir) et de force du vent moyen (en couleurs, par tranches de 10 m/s ou 36 km/h) vers 1500 m d'altitude. Cette prévision a été effectuée le 25/12/1999 à 0 h pour le 26/12/1999 à 6 h, soit à une échéance de 30 h. Elle doit être comparée à la fig. 11 (attention toutefois aux différences de couleurs et de présentations), qui montre l'analyse de la tempête. Cette comparaison est très favorable, compte-tenu des éléments exceptionnels (courant-jet très fort, petite taille de la tempête).  

  Dans le cas de la tempête T1, un scénario très proche de la réalité était proposé au début de la seconde partie de l'élaboration d'une prévision. Il reste que le caractère difficilement prévisible de l'événement (voir 26) se manifestait par une dispersion des autres scénarios disponibles (les autres modèles dont les résultats arrivent à Météo-France): ceci a rendu la prise de décision par les prévisionnistes délicate.

Dans le cas de la tempête T2, une phase assez complexe s'est déroulée au milieu de l'océan (voir le résumé en 
33), là où les observations sont rares. Il s'ensuit une moins bonne continuité de la prévision automatique que les prévisionnistes ont nettement amélioré durant la phase d'interprétation. Durant cette phase, les prévisionnistes confrontent de nouvelles observations, non utilisées dans la phase automatique, au temps qu'il fait vu par le modèle. Ils comparent aussi les prévisions numériques d'autres centres. Ils peuvent ainsi critiquer de manière argumentée le scénario issu de la phase automatique et l'améliorer. Ce travail, effectué avec succès avant l'arrivée de T2, s'est traduit dans des textes et des documents graphiques internes.
 


1 | 2 |3 | 4 | 5 |6 | 7 | 8 |9 | 10 | 11 |12 | 13 | 14 |15 | 16 | 17 |18 | 19 | 20 |21 | 22 | 23 |24 | 25 | 26 | 27



Site de Météo-France
Texte et figures: © Météo-France, 2000
Tous droits de reproduction du texte et des figures strictement réservés
Météo-France, CNRM/GMME, Recherches et Expérience sur les Cyclogenèses et les Fronts


Version du 13 mars 2000

Précédent Suivant Index