Précédent Suivant Index
Questions sur les mécanismes des tempêtes METEO-FRANCE

24   Ces tempêtes sont-elles le signe d'un changement du climat ?



  Figure 34 :Carte des anomalies de température de la mer estimée par satellite pour la fin de décembre 1999. Carte obtenue (via un autre serveur) sur le site du Centre de Diagnostic du Climat de la NOAA, aux Etats-Unis.  

  Cette question du lien entre l'évolution possible, probable même, du climat et les tempêtes est, bien sûr, essentielle. Elle risque de revenir sur la table à chaque à-coup climatique.

Disons-le d'emblée, notre réponse ne sera pas catégorique, ni définitive.

Le climat s'apprécie sur la durée. Il se manifeste à travers la
distribution d'un grand nombre de dépressions, de l'ensemble de leurs intensités, de leurs trajectoires, etc. On ne peut donc dire, sur la base de deux événements, si un tel lien vient de se manifester à nous. Déjà, l'examen de l'ensemble des propriétés de la saison d'hiver, quand elle sera terminée, nous donnera peut-être une meilleure vue. On pourra disposer, par exemple, d'un bilan global des échanges thermiques et les comparer aux valeurs climatologiques. On pourra aussi estimer le poids des deux tempêtes de la fin décembre dans ce bilan. Ce type d'analyse est effectué, par exemple, au sein du département de météorologie de l'Université de Reading, au Royaume-Uni.

Notons que l'ensemble de l'épisode des deux tempêtes (fig. 
2) s'est déroulé sur une échelle de temps très courte, cinq jours entre l'installation d'un courant-jet exceptionnel et la fin de la dernière tempête. L'établissement du jet s'est fait en deux jours. En termes d'échelles de temps, on reste entièrement dans le domaine d'évolution propre du rail des dépressions (voir question 5). Ces échelles de temps rapides sont peu en rapport avec les échelles saisonnières ou annuelles.

Peut-on invoquer des équivalents Atlantique des anomalies du climat si médiatisées ces dernières années, les oscillations dans le Pacifique Equatorial (El Niño, La Niña) ? Les calculs d'anomalies dans l'atmosphère pour la fin de décembre (sur un champ thermique, par exemple), ne font pas apparaître autre chose que l'effet spectaculaire des deux tempêtes elles-mêmes; ce n'est pas une signature classique, elle est située très à l'est. L'influence de paramètres extérieurs au rail, comme la température de la mer, mérite aussi de l'attention. La carte d'anomalie de température de la mer que nous avons trouvée sur un site INTERNET (fig. 
34) indique surtout un Gulf Stream le long de la côte d'Amérique plus chaud et plus au nord que pendant la période de référence. Les échanges turbulents entre l'océan et l'atmosphère qui en résultent «préconditionnent» , comme on dit, l'atmosphère à la formation de dépressions. Il est plus facile à une tempête de s'amplifier dans cette région: ceci aurait donc pu expliquer une de ces énormes tempêtes que connaît, de loin en loin, la Côte est de l'Amérique. Il est plus difficile de relier cette anomalie à notre situation.

Le comportement du rail des dépressions fait partie des propriétés du climat qui sont examinées dans le cadre des simulations numériques de l'accroissement de l'effet de serre. Les divers résultats donnent une même tendance. «Un climat plus chaud s'accompagne d'une augmentation des perturbations météorologiques de l'Atlantique: elles se développent à la fois en nombre et en intensité» , écrit ainsi J.C. André, directeur du CERFACS. Mais on ne sait pas bien préciser comment ces augmentations modifient la distribution, la fréquence des intensités, par exemple.

L'équilibre climatique de notre pays est fragile. Il dépend beaucoup des pluies d'automne et des neiges d'hiver pour ses ressources en eau. Il ne faudrait pas que, par exemple, le cycle d'évolution type des dépressions dans une atmosphère plus chaude s'accélère au point que l'orientation nord-est de la trajectoire la plus fréquente s'accentue: ceci reviendrait à faire reculer le rail sur l'Atlantique et nous conduirait à la désertification. Il ne faudrait pas non plus que cette intensification se traduise par une superposition fréquente de grands et de petits systèmes comme celle que nous venons de vivre: une répétition fréquente de vents intenses transformerait complètement notre paysage en une vaste lande. Ce sont deux évolutions que l'on peut imaginer pour le rail des dépressions dans un climat en voie d'évolution. Ce sont des choses que l'on commence à examiner de près dans les simulations du climat, à la limite de leur informativité.

Notre capacité de prévoir ces éléments à l'intérieur d'un changement du climat en est à ses débuts.
 


1 | 2 |3 | 4 | 5 |6 | 7 | 8 |9 | 10 | 11 |12 | 13 | 14 |15 | 16 | 17 |18 | 19 | 20 |21 | 22 | 23 |24 | 25 | 26 | 27



Site de Météo-France
Texte et figures: © Météo-France, 2000
Tous droits de reproduction du texte et des figures strictement réservés
Météo-France, CNRM/GMME, Recherches et Expérience sur les Cyclogenèses et les Fronts


Version du 13 mars 2000

Précédent Suivant Index