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Questions sur les mécanismes des tempêtes METEO-FRANCE

23   Pourquoi sur la France, pourquoi aussi fort ?

  Il est difficile de répondre à une telle question de manière satisfaisante, surtout si tôt après les événements.

Un début de réponse appelle une nouvelle question, et ainsi de suite. Aussi, nous resterons au premier degré. Voyez quand même la réponse à la question sur le lien avec le possible changement climatique (question 
24).

A l'échelle du bassin Atlantique et de l'Europe, la première raison est l'extension d'un courant-jet jusqu'au dessus de l'Allemagne, en ligne droite depuis la côte est de l'Amérique. En général (fig. 
4), le courant-jet s'étale, difflue vers 10ode longitude ouest. De plus, ce courant d'ouest est d'une intensité elle aussi exceptionnelle, atteignant 350 km/h et plus, soit le double de son intensité «normale» . Par un effet indirect de la rotation de la Terre sur elle-même (la force d'inertie de Coriolis), ce vent fort d'altitude est associé à un contraste thermique horizontal entre les zones au sud du courant et celles au nord (en jargon, l'équilibre du vent thermique). Les intensités sont liées: le contraste thermique est lui aussi intense, c'est à dire que le réservoir d'essence pour une éventuelle dépression est plein (voir en 6 pour plus de détails).

Cette situation aurait pu conduire à une tempête de grande échelle: elle aurait rapidement interagi avec le jet, serait partie vers le nord-est, frappant ainsi les Iles Britanniques, comme le 25 janvier 1990, par exemple. Ceci pour dire que le fort contraste thermique n'explique pas tout, loin de là.

Deuxième facteur: seules des dépressions de petites tailles se sont formées sur l'Atlantique. Pour cette raison, sans doute, elles sont restées guidées par le courant-jet, jusqu'à son extrémité, donc sur la France (voir en 
13 pour des indications sur ce point).

Pourquoi de petites dépressions plutôt qu'une grande ? Selon ce qu'on sait aujourd'hui, tout dépend des tourbillons, thalwegs et autres, débris de tempêtes du Pacifique ou grandes ondes qui arrivent sur l'Atlantique par l'ouest.

Troisième facteur, conséquence des deux premiers: la région la plus favorable à l'amplification de telles tempêtes est l'extrémité du jet, pas avant. Fin décembre 1999, c'est notre pays qui, chose très rare, se trouve sous cet endroit favorable. Le mécanisme en jeu, lié à la circulation verticale de l'air, est peu sensible à la présence d'une terre ferme (contrairement à un cyclone tropical).

Quatrième facteur: la situation en altitude s'accompagne, dans les basses couches de l'atmosphère d'une sorte d'écho: une vaste circulation cyclonique à l'échelle de l'est du bassin Atlantique. Située à l'aplomb du courant-jet, elle passe aussi sur notre pays. A elle seule, cette circulation donne des vents de 70 km/h sur la France. Quand la dépression se superpose à cette circulation, sans avoir à atteindre une intensité propre exceptionnelle (intensité obtenue en l'isolant par la pensée du reste de la circulation, avec des vents «propres» eux aussi de l'ordre de 70 km/h), l'addition des deux, dans le secteur sud des dépressions donne aussitôt des vents destructeurs, de l'ordre de 140 km/h (en moyenne sur une vaste zone). Dans le secteur nord, les vents s'annulent (voir les figures 
11 et 12).

Cinquième facteur: toujours en raison de sa petite taille et de son intensité propre assez habituelle, la première tempête est loin d'avoir consommé tout le carburant stocké le long du jet. Au rythme habituel, une seconde prend donc la suite: en soi, cet enchaînement est normal. Cette seconde tempête modifie profondément le courant-jet et met ainsi fin à l'épisode.
 


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Version du 13 mars 2000

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